Violences intrafamiliales -L'ordonnance de protection : Renforcement législatif du dispositif
Actualité juridique : L’ordonnance de protection voit sa durée allongée et bénéficie d’un dispositif d’urgence.
Il était temps, cela faisait très longtemps que les associations qui luttent contre les violences conjugales réclamaient le renforcement des mesures liées au dispositif de l’ordonnance de protection à l’instar de certains pays étrangers comme l’Espagne.
La proposition de loi présentée à l’Assemblée Nationale en mai 2023 a été adoptée le 15 janvier 2024.
Les nouveautés sont les suivantes :
Auparavant les mesures prises dans le cadre d'une l’ordonnance de protection étaient de six mois, mais cela s’avéraient la plupart du temps insuffisant.
A/La loi porte de six à douze mois la durée maximale des mesures qui s’appliquent au titre de l’ordonnance de protection prises par le juge.
On rappelle que les mesures qui peuvent être ordonnées par le juge aux affaires familiales dans le cadre d’une ordonnance de protection sont prévues de façon exhaustives par l’article 515.11 du Code Civil et sont les suivantes :
Le juge aux affaires familiales est compétent pour :
1- Interdire à la partie défenderesse de recevoir ou de rencontrer certaines personnes spécialement désignées par le juge aux affaires familiales, ainsi que d'entrer en relation avec elles, de quelque façon que ce soit;
1-bis Interdire à la partie défenderesse de se rendre dans certains lieux spécialement désignés par le juge aux affaires familiales dans lesquels se trouve de façon habituelle la partie demanderesse;
2- Interdire à la partie défenderesse de détenir ou de porter une arme et, le cas échéant, lui ordonner de remettre au service de police ou de gendarmerie qu'il désigne les armes dont elle est détentrice en vue de leur dépôt au greffe .
2-bis Ordonner à la partie défenderesse de remettre au service de police ou de gendarmerie le plus proche du lieu de son domicile les armes dont elle est détentrice;
2-ter Proposer à la partie défenderesse une prise en charge sanitaire, sociale ou psychologique ou un stage de responsabilisation pour la prévention et la lutte contre les violences au sein du couple et sexistes. En cas de refus de la partie défenderesse, le juge aux affaires familiales en avise immédiatement le procureur de la République;
3- Statuer sur la résidence séparée des époux. La jouissance du logement conjugal est attribuée, sauf ordonnance spécialement motivée justifiée par des circonstances particulières, au conjoint qui n'est pas l'auteur des violences, et ce même s'il a bénéficié d'un hébergement d'urgence. Dans ce cas, la prise en charge des frais afférents peut être à la charge du conjoint violent;
4-Se prononcer sur le logement commun de partenaires liés par un pacte civil de solidarité ou de concubins. La jouissance du logement commun est attribuée, sauf ordonnance spécialement motivée justifiée par des circonstances particulières, au partenaire lié par un pacte civil de solidarité ou au concubin qui n'est pas l'auteur des violences, et ce même s'il a bénéficié d'un hébergement d'urgence. Dans ce cas, la prise en charge des frais afférents peut être à la charge du partenaire ou concubin violent;
5-Se prononcer sur les modalités d'exercice de l'autorité parentale et au sens de l'article 373-2-9, sur les modalités du droit de visite et d'hébergement, ainsi que le cas échéant, sur la contribution aux charges du mariage pour les couples mariés, sur l'aide matérielle au sens de l'article 515-4 pour les partenaires d'un pacte civil de solidarité et sur la contribution à l'entretien et à l'éducation des enfants.
6-Autoriser la partie demanderesse à dissimuler son domicile ou sa résidence et à élire domicile chez l'avocat qui l'assiste ou la représente ou auprès du procureur de la République près le tribunal judiciaire pour toutes les instances civiles dans lesquelles elle est également partie. Si, pour les besoins de l'exécution d'une décision de justice, l'huissier chargé de cette exécution doit avoir connaissance de l'adresse de cette personne, celle-ci lui est communiquée, sans qu'il puisse la révéler à son mandant;
6-bis Autoriser la partie demanderesse à dissimuler son domicile ou sa résidence et à élire domicile pour les besoins de la vie courante chez une personne morale qualifiée;
7-Prononcer l'admission provisoire à l'aide juridictionnelle des deux parties ou de l'une d'elles en application du premier alinéa de l'article 20 de la loi no 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.
Le juge aux affaires familiales a également la possibilité de se prononcer sur le port d'un bracelet anti-rapprochement afin de mettre en place un dispositif de de surveillance visant tant l’agresseur que la victime afin notamment de s’assurer de leur éloignement et de les géolocaliser.
Le fait que le délai de protection passe de six mois à douze mois est de très bon augure d’autant qu’il est important de rappeler que seules les personnes mariées, pacsées ou ayant des enfants pouvaient auparavant bénéficier du prolongement de ces mesures sous la condition d’introduire une procédure de divorce, une demande en séparation de corps ou encore une demande relative à l’exercice de l’autorité parentale. Cela avait donc pour effet de priver de facto les couples sans enfants et non mariés d’un allongement desdites mesures.
B/ La création d’une ordonnance provisoire de protection immédiate
L’article 1er de la loi nouvellement adoptée crée également une « ordonnance provisoire de protection immédiate ».
Il est particulièrement intéressant de noter que cette innovation réside dans le fait que le juge aux affaires familiales saisi d’une demande du ministère public, devra rendre l’ordonnance de protection sous vingt-quatre heures, sans que cela soit contradictoire, s’il estime que la victime (qui doit être d’accord avec ce processus) au regard des éléments présentés dans la requête, est vraisemblablement exposée à des faits de violence allégués ou à un danger grave ou immédiat.
Les mesures les plus urgentes et considérées comme les plus protectrices pourront être accordées dans cette phase (qui ne permet pas au conjoint violent de se défendre) sont les suivantes : l’interdiction d’entrer en contact avec la victime, de se rendre dans certains lieux ou la possession d’une arme. Le reste des autres mesures pourront être prononcées dans un second temps dans le cadre de l’ordonnance de protection classique.
Il est en outre prévu que le non-respect des obligations d’une ordonnance provisoire de protection immédiate seront passibles d’une peine de trois ans de prison , cette peine a donc été alourdie puisqu’elle est de deux ans d’emprisonnement dans le cadre de la violation d’une ordonnance de protection simple.
Ces nouveautés apportées au renforcement du dispositif de l’ordonnance de protection vont dans le bon sens, en considération de l’évolution malheureuse et préoccupante de l'augmentation des violences conjugales en France.