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Liquidation régime matrimonial : Qu'est ce qu'une donation déguisée entre époux ?

Le 27 mai 2025
Liquidation régime matrimonial : Qu'est ce qu'une donation déguisée entre époux ?
La donation déguisée entre époux consiste à dissimuler une libéralité sous l’apparence d’un acte à titre onéreux , elle suppose un mensonge dans l’acte. Depuis 2005 elle est valable et irrévocable mais reste soumise aux droits de mutation à titre gratuit.

La notion de donation déguisée entre époux a profondément évolué depuis la réforme opérée par la loi du 26 mai 2004 (applicable pour les actes postérieurs au 1er janvier 2005), tant sur le plan civil que fiscal. Il convient ainsi de présenter un panorama complet et actualisé de la donation déguisée dans le contexte spécifique d’un achat immobilier réalisé au nom d’un époux, mais financé par les fonds propres de l’autre, en abordant les risques de requalification, les conséquences patrimoniales et fiscales, les moyens de preuve, les sanctions et les stratégies de prévention ou de défense. Ce sujet, d’une grande technicité, exige de poser les bonnes questions et d’adopter une démarche structurée, adaptée aussi bien au contexte d’une liquidation de régime matrimonial qu’à un contrôle fiscal.

I. Définition et actualité de la notion de donation déguisée entre époux

1. Qu’est-ce qu’une donation déguisée ?

Une donation déguisée est une libéralité consentie sous l’apparence d’un acte à titre onéreux. Concrètement, il s’agit de masquer une donation, par exemple sous la forme d’une vente, d’un prêt fictif ou d’un financement occulte d’acquisition. Dans le cas qui nous occupe, l’époux A finance, en tout ou partie, l’acquisition d’un bien immobilier qui est cependant acquis au nom de l’époux B. Si le financement n’est pas assorti d’une contrepartie réelle (remboursement, reconnaissance de dette, clause de remploi, etc.), et si une intention libérale est démontrée, l’opération peut être qualifiée de donation déguisée.

2. La réforme de 2004 : que reste-t-il de la donation déguisée entre époux ?

La loi du 26 mai 2004 a supprimé la prohibition des donations déguisées entre époux pour les actes postérieurs au 1er janvier 2005 Auparavant, l’ancien article 1099, al. 2, du Code civil frappait de nullité toute donation déguisée entre époux, pour éviter les fraudes et protéger le principe de la révocabilité des libéralités conjugales. Désormais, la donation déguisée entre époux est valable, sous réserve du respect des règles de fond et de forme des donations, et elle n’est plus nulle du seul fait de son déguisement. Toutefois, il subsiste des risques et des conséquences patrimoniales et fiscales majeures, qui imposent une vigilance accrue.

3. Donation déguisée ou créance de restitution/récompense ?

La question centrale est de savoir si le financement par un époux de l’achat d’un bien au nom de l’autre constitue une créance (d’indemnisation ou de récompense) ou une donation (directe, indirecte ou déguisée). Tout dépend de l’intention libérale : s’il y a volonté d’avantager le conjoint, il s’agit d’une donation ; s’il y a intention de récupérer les fonds, il s’agit d’une créance .La preuve de l’intention libérale est donc capitale.

II. Conséquences juridiques et patrimoniales de la donation déguisée entre époux

1. Sur le plan du régime matrimonial

a) Séparation de biens

Sous le régime de la séparation de biens, chaque époux conserve la propriété des biens acquis en son nom. Toutefois, si l’un finance l’acquisition au nom de l’autre, il peut, en principe, revendiquer une créance de remboursement contre son conjoint;

Cependant si l’autre époux parvient à démontrer une intention libérale, alors l’opération sera qualifiée de donation, désormais irrévocable, sauf exceptions strictes (ingratitude, inexécution des charges).

Exemple concret : Madame finance intégralement l’achat d’un appartement, acquis au nom de Monsieur. Si Madame n’a pas pris soin de stipuler dans l’acte un remploi ou une reconnaissance de dette, et si plusieurs indices convergent (relations affectives, absence de contrepartie, absence de poursuite de remboursement), la jurisprudence peut considérer qu’il s’agit d’une donation irrévocable et non d’une créance de restitution, cela peut donc entraîner des conséquences indésirables au moment de la liquidation du régime matrimonial notamment.

b) Communauté légale

Dans le régime de la communauté réduite aux acquêts, le financement d’un bien propre par des fonds communs ou propres ouvre droit à récompense au profit de la communauté ou de l’époux concerné.

Là encore, la preuve est essentielle : la déclaration d’emploi ou de remploi doit figurer dans l’acte, faute de quoi il sera difficile de revendiquer le caractère propre du bien ou le remboursement, et le risque de requalification en donation subsiste.

2. Sur le plan fiscal

La donation déguisée, lorsqu’elle est établie, est soumise aux droits de mutation à titre gratuit (DMTG), c’est-à-dire aux droits de donation. Elle relève en outre de la procédure de répression des abus de droit (LPF art. L 64), pouvant entraîner une majoration de 80 % des droits dus (ramenée à 40 % dans certains cas), ainsi que des intérêts de retard.

L’administration fiscale recherche la réalité du prix payé, la capacité financière de l’acquéreur, les liens entre les parties, l’âge et l’état de santé du disposant, etc. Le cumul de plusieurs indices graves, précis et concordants permet de présumer une donation déguisée.

Exemple : Un époux âgé, en mauvaise santé, vend à son conjoint un bien immobilier pour un prix très inférieur à la valeur réelle, ou sans que le prix figure dans sa succession. L’administration peut alors requalifier l’opération en donation déguisée, soumettre l’opération aux DMTG, et appliquer la pénalité de 80 %.

III. Les preuves de la donation déguisée : comment l’administration et les juges procèdent-ils ?

1. L’intention libérale, clé de voûte de la requalification

L’intention libérale, c’est-à-dire la volonté de s’appauvrir sans contrepartie réelle au profit du conjoint, doit être prouvée. Elle ne se présume pas, mais peut résulter d’un faisceau d’indices. La preuve peut être rapportée par tous moyens, y compris par présomptions judiciaires telles que :l'absence de remboursement, liens familiaux, âge, situation financière, absence d’intérêt économique, etc.

Exemples d’indices retenus par la jurisprudence :

- Achat au nom du conjoint alors que l’autre finance intégralement et qu’aucune reconnaissance de dette ou clause de remploi n’est prévue ;

- Vente à prix minoré ou non payé, notamment entre époux âgés ;

- Absence de preuve du versement effectif du prix de vente ou d’un remboursement ;

- L’acheteur n’a pas la capacité financière de payer le prix ;

- Le vendeur est en mauvaise santé, proche du décès ;

- Absence de justificatif de la sortie du prix dans la succession.

2. La charge de la preuve

Sur le plan fiscal, la charge de la preuve incombe à l’administration, sauf dans certains cas où la comptabilité est défaillante .

L’administration doit établir, par un faisceau de présomptions graves, précises et concordantes, le caractère fictif et/ou libéral de l’opération. Le contribuable peut apporter la preuve contraire par tous moyens.

3. La preuve en matière civile

En matière civile, la preuve de la donation déguisée entre époux peut être rapportée par tous moyens, notamment par la démonstration de l’intention libérale, par écrit, témoignage, ou même présomption.

En cas de contestation, il appartient à celui qui invoque le caractère libéral de l’opération d’en rapporter la preuve.

IV. Sanctions applicables à la donation déguisée entre époux

1. Conséquences civiles

Depuis la réforme de 2004, la donation déguisée entre époux n’est plus nulle, sous réserve du respect des conditions de fond et de forme de la donation. Si la donation déguisée porte sur des biens présents, elle est désormais irrévocable, sauf exceptions d’ordre public (ingratitude, inexécution des charges, etc.). L’époux qui a financé l’achat au nom de son conjoint ne peut plus demander la révocation ou l’annulation de la donation pour déguisement.

2. Conséquences fiscales

La sanction fiscale est redoutable : en cas de requalification, les droits de donation sont dus, calculés sur la valeur réelle du bien transmis, et non sur le prix affiché ou payé. S’y ajoutent :

- Une pénalité de 80 % si le contribuable est considéré comme le principal initiateur ou bénéficiaire de l’abus de droit ;

- Une pénalité de 40 % si cette qualité principale n’est pas démontrée ;

- Les intérêts de retard au taux de 0,20 % par mois

La solidarité du paiement des droits et pénalités peut être retenue entre donateur et donataire, selon les cas, notamment si le bénéficiaire est considéré comme ayant participé à l’opération abusive. La prudence la plus absolue est donc de mise.

3. Qui subit la sanction ?

La sanction fiscale pèse en principe sur le donataire, mais l’administration peut poursuivre solidairement le donateur et le donataire si tous deux ont participé à l’opération frauduleuse.

V. Exemples concrets de situations à risque

Exemple 1 : Achat immobilier au nom du conjoint, financé intégralement par l’autre

Monsieur et Madame sont mariés sous le régime de la séparation de biens. Madame achète un appartement en son nom, mais c’est Monsieur qui fournit l’intégralité des fonds. Aucune reconnaissance de dette ni clause de remploi n’est prévue. En cas de séparation ou de décès, Madame revendique la propriété exclusive. Si Monsieur ou ses héritiers tentent de faire valoir une créance de restitution, Madame pourra invoquer l’intention libérale, et l’opération pourra être qualifiée de donation irrévocable, excluant tout remboursement.

Exemple 2 : Vente à prix minoré ou fictif entre époux

Monsieur cède à Madame un bien immobilier pour un prix très inférieur à la valeur réelle, ou pour un prix qui n’est jamais effectivement payé. L’administration fiscale, lors d’une succession ou d’un contrôle, relève l’absence de justification du paiement du prix et la disproportion manifeste. Elle requalifie l’opération en donation déguisée, réclame les droits de mutation à titre gratuit, et applique la pénalité de 80 % .

Exemple 3 : Prêt fictif entre époux

Madame prête à Monsieur une somme importante pour acheter un bien immobilier, mais aucune reconnaissance de dette n’est signée, aucun remboursement n’a jamais été effectué, et le couple n’a jamais évoqué la question. Cet apparent “prêt” est susceptible d’être requalifié en donation déguisée, avec les conséquences évoquées ci-dessus.

VI. Comment se protéger ou agir face à une situation de donation déguisée ?

1. Les bonnes questions à se poser

- Le financement d’un bien au nom de mon conjoint est-il assorti d’une clause écrite de remploi ou d’une reconnaissance de dette ?

- Avons-nous clairement fixé dans l’acte notarié l’origine des fonds et la volonté de remploi ?

- Existe-t-il des éléments permettant d’exclure l’intention libérale (contrepartie réelle, remboursement, gestion commune, etc.) ?

- Le prix de vente mentionné dans l’acte a-t-il effectivement été payé, et peut-on en justifier par des documents bancaires ?

- Le bénéficiaire de l’opération avait-il la capacité financière de supporter le prix ?

- L’âge ou l’état de santé du disposant ou du cédant pouvait-il laisser présumer une intention libérale ?

- En cas de doute, ai-je sollicité un conseil juridique ou fiscal avant l’opération ?

2. Bonnes pratiques et prévention

Il est vivement conseillé pour prévenir les difficultés à naitre en la matière de prendre les précautions suivantes:

- Faire systématiquement figurer dans l’acte notarié une déclaration d’emploi ou de remploi de deniers propres si l’un des époux finance pour l’autre ;

- Établir une reconnaissance de dette ou un acte de prêt écrit en cas de financement à titre de prêt ;

- Consigner tout remboursement effectif par virement bancaire, avec une traçabilité parfaite ;

- En cas de vente entre époux, s’assurer que le prix est réel, correspond à la valeur du bien, et qu’il est effectivement payé ;

- Solliciter l’avis d’un avocat spécialisé avant toute opération patrimoniale d’importance entre époux.

3. Que faire en cas de contestation ou de contrôle fiscal ?

Dans le cas d'une contestation ou d'un contrôle fiscal les éléments suivants sont nécessaires : 

- Rassembler tous les éléments de preuve (actes notariés, relevés bancaires, correspondances, etc.) ;

- Apporter la preuve de la réalité du prix payé ou du remboursement des fonds ;

- Faire valoir, le cas échéant, l’existence d’une contrepartie réelle (aide familiale, investissement dans le foyer, etc.) ;

- Consulter sans délai un avocat fiscaliste ou patrimonial pour préparer une défense adaptée ;

- En cas de procédure, contester, si possible, l’existence de l’intention libérale, en mettant en avant les faits objectifs.

La question de la donation déguisée entre époux lors de l’acquisition d’un bien avec les fonds de l’un au profit de l’autre est une zone de risque patrimonial et fiscal majeure. La suppression de la nullité des donations déguisées entre époux n’a pas fait disparaître le risque de requalification, mais l’a déplacé sur le terrain fiscal et sur le terrain de la preuve de l’intention libérale. Les sanctions sont lourdes, la charge de la preuve complexe, et les conséquences souvent irréversibles : l’époux qui a financé peut se voir privé de recours, et les droits de donation, assortis de lourdes pénalités, peuvent s’appliquer à l’occasion d’une succession ou d’un contrôle fiscal.

Il est donc vital de s’interroger en amont sur la nature de l’opération, d’assurer une traçabilité rigoureuse des flux financiers, et de recueillir un conseil professionnel adapté. Si vous êtes confronté à une telle situation, que ce soit dans le cadre d’une liquidation de régime matrimonial ,le Cabinet LMB Avocats à Paris dispose de l’expertise nécessaire pour vous accompagner, sécuriser vos opérations et défendre vos intérêts. N’attendez pas que le risque se matérialise : prenez conseil dès aujourd’hui pour protéger votre patrimoine et éviter de lourdes conséquences.